Monastère de Sevan

Emmenez moi…

… au bout des montagnes.


L’Arménie c’est un peu l’antipode des Pays-Bas. On le sait bien au moment où on passe la frontière, le samedi 25 avril. La difficile montée en Géorgie va être reléguée à un modeste échauffement mais on n’a pas le choix. Dave et son gouda, ce sera pour une prochaine fois.

On abandonne donc rapidement l’idée de faire trop de détours et on passe quelques sites remarquables sans même y jeter un oeil, comme par exemple le monastère de Sanahin qui se trouve au sommet d’une petite colline. On préfère garder nos forces pour plus tard. Et puis comme le dit le dicton local bien connu : un monastère de perdu, dix de retrouvés. L’Arménie en regorge.
La route est d’assez mauvaise qualité, et vu le nombre de trous parfaitement carrés, le macadam semble avoir été posé par les professionnels du patchwork atteints d’Alzheimer. On ne s’inquiète donc plus des nombreuses lada qui zigzaguent pour éviter les pièges, mais on est agréablement surpris par celle qui ralentit derrière nous pour qu’on traverse plusieurs tunnels non éclairés en toute sécurité.

Comme en Géorgie, la grande majorité des arméniens parle encore le russe. Par moments on croise quand même quelques personnes qui manient la langue de Shakespear et qui en profitent pour nous donner de la nourriture tout en nous souhaitant la bienvenue , ou plus simplement pour me dire “I love your hair”.  Dans ce dernier cas, le souvenir de George encore trop présent en moi, je fais mine de ne pas comprendre et on s’éloigne sur les hauteurs de Vanadzor pour s’installer près du cimetière qui en général est un lieu particulièrement calme la nuit.


Le lundi 27 avril, on entame notre journée par ce qui devait être un raccourci mais qui se transforme en un col tout terrain gratuit, avant de rejoindre la route qui nous mène à Dilijan. Peu après on franchit un autre col à 1820 mètres, on redescend à 1200 mètres, on remonte à 2100 mètre et on redescend un peu vers le lac de Sevan, l’un des plus grand lac d’altitude. 

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Le lendemain on visite le monastère du même nom puis on slalome entre les gouttes pour rejoindre la capitale, Erevan où si tout se passe bien on devrait faire le visa iranien. Grâce à Avi, une bulgare qui parle couramment français, on a un pied à terre en plein centre ville, des bières fraiches, un set de cuisine complet en léopard et une tasse spice girl pour boire le thé. De belles soirées en perspective.

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29 avril, premier matin à Erevan, on se lève tôt et pleins de bonne volonté. On marche une bonne heure pour traverser la ville et rejoindre l’ambassade d’Iran. Bonne nouvelle, ils ont reçu notre code nécessaire pour récupérer les visas. Mauvaise nouvelle, la banque où déposer l’argent est de l’autre coté de la ville, d’où on est parti ce matin. Les horaires des ambassades faisant concurrence avec ceux de la poste, c’est taxi, photos voilées pour Charlotte, banque, bus et nous revoilà à l’ambassade le dossier complet. On file le tout à la gentille dame. Revenez demain.

Jour J. On se dirige de nouveau vers l’ambassade, un peu anxieux. La dame nous pose quelques questions avant de nous remettre le sésame pour l’Iran avec un grand sourire. Le cœur léger et le bagage mince, on profite du reste de la journée pour faire les emplettes du cyclistes : matériel de rechange pour les vélos, collecte de dollars pour l’Iran, …

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Vendredi 1er mai, fête du travail alors repos et balade en ville. On fait la connaissance de Gökben et Nicolas, couple franco-turc en voyage à vélo (www.frogsonwheels.net). Le courant passe bien. On repousse notre départ d’Erevan à lundi pour profiter encore du weekend avec eux. Visite du vernissage, sorte de marché aux puces, et du mémorial du génocide arménien de 1915, qui nous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.

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Le lundi 4 sonne le départ du convoi de bicyclettes. Avec leurs vélos couchés, Gökben et Nicolas attirent tous les regards, ce qui n’est pas pour nous déplaire car on passe presque inaperçus. On quitte tranquillement la capitale et on longe la frontière turque. On découvre le monastère de Khor Virap, fameux pour le panorama sur le mont Ararat. Après une petite pause, à l’abri de la pluie et de l’orage mais pas de l’odeur d’urine, quelques militaires russes nous imposent un deuxième arrêt. Après les montagnes voici les soldats. Les frontières Arméniennes sont en partie contrôlées par ces charmants bonhommes qui ont échangé leur sourire contre une kalachnikov. Plus curieux que menaçants, ils nous laissent rapidement repartir.


On ne pédale pas longtemps car on croise la route de Grigor et ses amis. Il est 15h et c’est l’heure du cognac. Accompagné de chocolat ou de bonbons, il faut trinquer. Il est 15h10 et c’est encore l’heure du cognac. 15h15 aussi, 15h20 toujours, 15h30 c’est l’heure où un passant s’arrête pour nous donner des bières, 15h40… Bref c’est déjà l’heure d’arrêter de rouler pour nous. On installe nos tentes sur les terres de Grigor qui revient le soir même, le coffre rempli de bonnes choses : fleurs pour les dames, légumes, viande, chocolat, fromage et bien sur un bon litre de cognac, 20 ans d’âge. On est touché par Grigor qui tient à nous prouver l’hospitalité arménienne même envers les turcs représentés, malgré elle, par Gökben. Grigor est un ange, la preuve, il ne peut pas être pris en photo. Mais avec un bon litre de cognac dans le sang, même les anges deviennent emmerdants. Avec son frère qui nous a rejoint, ces deux anciens combattants du Haut Karabach deviennent oppressants. Ils nous faut deux heures pour qu’ils nous laissent aller dormir, non sans trinquer encore et encore. C’est l’alcool qui monte dans ma tête, tout l’alcool que j’ai pris ce soir. Ca en devient ridicule quand on doit vider nos verres en cachette.

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Désormais nous changeons nos habitudes. En voyageant à quatre les décisions son forcément plus longues mais les points communs avec Gökben et Nico sont nombreux. On décide donc de continuer la route vers l’Iran ensemble.
 La majeure partie du temps on grimpe, mais heureusement les paysages valent les heures d‘efforts. Bien que très montagneux les décors sont verts et humides. Le 7 mai on découvre Zorats Karer, le Stonehenge arménien où on n’hésite pas longtemps à camper au milieu de tombes vieilles de plus de trois mille ans. La lune donne un coté mystique au lieu une fois la nuit tombée.

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Le lendemain on franchit un énième col suivi d’une descente vertigineuse vers les Ailes de Tatev. “Wings of Tatev”, c’est un téléphérique hyper moderne dans un pays hyper pauvre. Il enjambe un canyon et rejoint le magnifique monastère de Tatev. Un peu maso on décide de traverser ce canyon à vélo. Les verres de vodka offerts par un papi à 13h en plein cagnard ont du altérer notre jugement. Mais il est trop tard, nous voilà au fond du gouffre. La seule issue est une piste de six kilomètres à 12 %, mélange de terre et de gravier. Si il y a eu un jour de l’asphalte à cet endroit il n’en reste plus une trace. Une fois en haut, rincés par l’effort on préfère Morphée à Jésus. Le monastère attendra demain.

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On rattrape vite notre péché en découvrant à la première heure ce joyau perché au dessus du canyon, embelli par des chants de prière aujourd’hui. L’endroit est tellement paisible qu’une journée off s’impose. Atteint par la grâce religieuse de cet édifice on se sent obligés le soir même de partager le sang et le corps du Christ. N’ayant pas trouvé d’hosties, le menu se compose de pizzas au feu de bois et de vin avec vue plongeante sur le monastère. Peut être a-t-on bu trop de rouge mais Il ne semble pas content car la pluie vient gâcher la fin de soirée. Tant pis !

On quitte Tatev qui ne veut plus de nous le dimanche au milieu d’un épais brouillard. La piste est humide et défoncée. On traverse de nombreux petits villages qui vivent à une autre époque. Cette fois ci le décor est comparable à nos forêts Vosgiennes. Rien de bien dépaysant. On lutte quand même jusqu’à 16h30 pour rejoindre la ville de Kapan et le retour du macadam troué, toujours mieux que la boue. Chalotte s’y trouve un magnifique « ass protector » (© les australiennes rencontrées en Turquie à Kaç), vêtement suffisamment long pour cacher les fesses afin d’entrer en toute légalité en Iran. Il ne reste d’ailleurs plus qu’un col à franchir avant la frontière. Le plus haut du voyage pour l’instant. Ce sera pour demain.

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On entame la lente ascension à 850 mètres d’altitude. Au milieu d’un brouillard, les kilomètres défilent doucement. On se fait offrir thé, café et bonbons (mais où est la vodka ?) dans une station essence. A la pause du midi ce sont deux verres de vodka bien corsé (ah ben voilà !) chacun pour Nico et moi. On remonte sur les vélos quelque peu « fatigués »…

Le temps se dégage peu à peu. Le brouillard se dissipe, remplacé par des nuages qui par moment nous laissent apercevoir le panorama impressionnant. Le sommet à 2535 mètres est en vue. Trop content d’être en haut, on monte les tentes en pensant à l’Iran qui nous attend demain.

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La nuit est fraîche en altitude, et la descente aussi mais après seulement trente minutes un homme nous hèle d’une petite cahute. C’est Avo, un arménien qui a participé à toutes les opérations russes, de l’Afghanistan jusqu’à Cuba. Belle coïncidence, il a une fille à Strasbourg et nous donne photo et message à lui transmettre le jour où on rentrera !
Avo aime la France. Par contre les turcs il leur tire dessus. Ça tombe bien car Gökben est française dans ce genre de situation. Il nous invite à boire un café, un thé, à manger et bien évidemment à trinquer. Rebelote, trois verres bien chargés. Heureusement que ça continue à descendre jusqu’à la frontière. Peu d’efforts à fournir. L’Arax, cours d’eau qui fait office de frontière, délimite clairement deux types de climats. Ici c’est vert, de l’autre coté à 500 mètres c’est désert. C’est tellement beau qu’on fait des photos, rapidement effacées par un soldat russe sorti de nulle part. On nous fait comprendre qu’on a de la chance car d’habitude ils cassent les appareils photos. Les soldats à la douane n’échappent pas à la règle et sont tout aussi sympathiques.

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Ce n’est pas grave, ils sont déjà derrière nous. Devant, de l’autre coté du pont, le pays des mollhas.
 Charles ne pensait pas si bien dire : « emmenez moi au pays des merveilles ».

Galerie photos

14 Comments

  • vous revoilà enfin, vos commentaires, vos photos nous manquaient !! encore de belles rencontres
    improbables (trouver un arménien à la frontière iranienne qui a une fille à Strasbourg) il faut le faire …..
    vos commentaires nous font rire, voyager et rêver …… on pense à vous tous les jours, on vous embrasse

    • Chaque jour nous réserve son lot de surprises. Les gens sont de plus en plus accueillants alors si vous n’avez pas de nouvelles pendant quelques jours c’est plutôt bon signe 🙂
      On pense fort à vous aussi, en plus on se revoit tout bientôt ! Ca passe vite 3 mois 🙂

  • Super vous devez éliminer pas mal de microbes avec ces alcools !
    Effectivement cela fait un bail que l’on ne vous avait pas lu effectivement .
    Ce sont vos smartphones qui jouent les modems ?
    Nous oui car nous venons de déménager dans notre nouvelle demeure et Orange abuse , plus de 3 000 euros pour nous installer leur ligne , on attend qu’ils soient plus raisonnables !
    On en découvre des pays grâce à vous , super .

    • Effectivement, entre les cols frisquets et les pauses “digestif”, on ne craint pas les microbes.
      Pas de smartphone dans nos sacoches , mais des connexions internet assez irrégulières avec la tablette (peut être un investissement à prévoir quand on repasse en Alsace en septembre ?)
      Bientôt on vous fit découvrir l’Iran, et vous n’allez pas être déçus ! C’est magnifique !

  • C’est bien, je vois que tu t’en traines déjà aux nombreux repas de famille que nous allons avoir a votre retour. Tu arriveras peut être a suivre papa pour une fois 😉 haha
    Je dis “tu” parce que Charlotte elle était déjà opérationnelle 😛
    Photo qui fait penser a Into the wild…
    Mois-3!!!!
    Take care

  • Et oui il y avait bien longtemps que nous n’avions plus de vos News (panne informatique pour nous). Vos récits sont toujours palpitants et sommes ravis que tout va bien pour vous. Cela nous a manqué.
    Photos et commentaires sont au top😍 on voyage avec vous
    Je vois que vous tenez bien l’alcool qu’elle santé!!!!! Je rigole”……….
    A bientôt pour découvrir l’Iran avc vous
    Prenez bien soin de vous
    Gros bisous

    • On tient bien, on tient bien …. on sait dire non parfois car il faut tenir sur le vélo aussi ! On a hâte de partager avec vous notre passage en Iran , c’est magnifique ici et les gens sont encore plus extras avec nous.
      On vous embrasse

  • Enfin !!
    Enfin des nouvelles ! Mais vous voulez nô’te mort ou quoi ??? Des semaines sans rien savoir de vous ! Sly faisait déjà chauffer l’hélico et mon sac spécial “Rescue Charlotte et Eric” (avec des Ricola, du chocolat, des cookies, de la crème solaire, du démaquillant, du gel douche, du dentifrice et 50 brosses à dents, du lait pour le corps, de l’eau de toilette et des compeed, l’essentiel en cas de survie quoi 😬 😜) était prêt ! Heureusement qu’on a croisé Marie et Joseph (et les 18 autres, bien sûr 😜) en route pour la Corse et qu’ils nous ont donné les dernières nouvelles. Du coup ça m’a un peu calmée, et avec Sly on a remis l’opération: “Quadra déjantée sauve P’tits Loups au bout du monde” à plus tard…..Mais ça ne sera pas nécessaire, je vois bien que vous vous en sortez plus que bien ! Vous avez l’air de bien vous amusez. Vins, Vodka, Cognac….et ben ! Le foie va bien 😈 ?

    Trèves de bêtises. On est très très content d’avoir de vos nouvelles, de savoir que vous avez enfin eut votre visa pour l’Iran et que ça se passe bien pour vous.
    Vous nous manquez, on vous aime et on vous embrasse FORT FORT FORT !

    A bientôt
    Alice (oui la quadra déjantée, c’est moi….) et Fabian (lui c’est pas Sly, non, non, Fabian c’est celui qui me regarde m’agiter et qui sourit, passe son bras autour de mes épaules et me dit: ça va aller, tu verras….mais je commence à avoir des doutes sur ce “qui va aller”……)

    • Eh mes ptits chats , je vous rappelle que vous pouvez aussi suivre nos péripéties sur Facebook. Même sans compte, vous pouvez consulter nos minis publications (plus courtes mais plus fréquentes que sur le blog).
      Mais je veux bien me perdre en Iran si vous venez avec du chocolat (et du dentifrice .. non mais on pue du bec ou quoi ??!!).
      Faites gaffe quand même ici c’est le ramadan qui commence alors il faut attendre que le soleil se couche, ou qu’Eric se cache, pour sortir les tablettes 🙂
      On fait des bisous à notre chère quadra déjantée et à notre amour de Fabian. Vous pouvez éventuellement claquer la bise à Sly de notre part aussi 🙂

  • Je suis encore et toujours plus émerveillée à chaque fois . Chapeau ,vous êtes tout à fait en harmonie avec vous même et j’ai l’impression de voyager avec vous. Même si cela faisait un long moment que vos récits captivants et vos belles photos me manquaient .Prenez soin de vous , je vous embrasse très fort.

  • C’est bien joli ce que vous avez traversé. Pourquoi on n’a parlé que de visas ? Nous on ira peut être se promener là bas … en voiture.
    Bises Pédalez bien

    • Mais c’est vrai ça pourquoi on n’a parlé que de visas ! Peu être parce qu’on était dedans jusqu’au cou ?
      On a passé 15h dans un bus en morceaux, on a douté, mais on a finalement obtenu notre graal à Mashhad ce matin YOUHOU!
      Promis quand on se retrouve à Bangkok on vous montrera les 3 459 478 photos accumulées d’ici là…. à moins que je casse l’appareil sur la route !
      des bisous !

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