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Mais merde où sont-ils ?

Tu devrais plutôt demander : ‘ Mais merde, quand sont-ils ? ‘

DSC03110Entre préjugés et excitation on plonge vers l’Albanie sans trop savoir à quoi s’attendre. La ville de Shkodër, notre point de chute pour aujourd’hui, n’est qu’à une quinzaine de kilomètres de la frontière. Mais c’est suffisant pour s’apercevoir qu’on vient d’entrer dans un nouveau monde. Dans le désordre : des chiens errants, des poules, des déchets, des enfants qui disent ‘hello’ , des vieilles Mercedes, des minis marchés, des charettes tirées par des chevaux, des maisons pas finies, des sourires édentés, des vaches, des vieux qui conduisent des vaches avec des bâtons… On perd très vite nos repères, peu être trop vite alors on file vers la ville un peu sur nos gardes sans savoir pourquoi. 

Shkodër, la ville où si tu n’as pas deux vélos chez toi tu n’es pas d’ici. Eh oui, à notre grande surprise beaucoup de monde roule à vélo. On s’intègre dans la circulation chaotique à première vue, mais où tout se déroule avec fluidité et sans énervement malgré les voitures, surtout des Mercedes, garées sur la route ou celles à contresens, s’il y en a un. Saleté de bagnole allemande ! Peut être que le garde armé d’une kalachnikov devant la banque en plein centre ville est dissuasif. Saleté de fusil soviétique !
Un appel à la prière plus tard, nous voilà installés dans une auberge de jeunesse familiale où le chien se prend pour un chat. Dans cette ville, le chant du Muezhine ne semble pas perturber grand monde, et surtout pas les anciens jouant vigoureusement aux dominos sur les places publiques.

Deux nuits sont à peine suffisantes pour faire tout ce qu’on veut : se laver, faire une lessive, mettre le blog à jour (le pire), manger 7 pâtisseries et les payer 340 lekë soit 2,5 euros (le meilleur).

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Le samedi 17, autre jour particulier, on est déjà de retour sur les vélos. On quitte le centre par des banlieues plutôt glauques et on commence par une route secondaire, c’est à dire avec des pièges comme des trous ou l’asphalte qui disparaît. On n’est pas franchement émerveillés par les paysages, les nombreux déchets gâchent le moindre panorama. On pourrait croire qu’ils cultivent les sacs plastique ici. On essaie alors la route principale c’est à dire avec moins de pièges. Ce n’est pas plus beau au contraire, mais au moins on avance et il y a des panneaux de signalisation. Les stations essence font du coude à coude avec les stations de ‘lavazh’ qui se résument souvent à un tuyau et un homme assis. Et tout d’un coup, plus de route ! Une autoroute. On n’hésite pas longtemps et on s’y engage, de toute façon il n’y a pas réellement d’alternative. On vous entend d’ici crier à l’inconscience.

DSC03132Mais décrivons une, ou plutôt L’autoroute en Albanie. Ca ressemble à chez nous : deux fois deux voies. Voilà la comparaison s’arrête là. Ensuite c’est folklorique et on peut laisser libre cours à son imagination. Piétons, vélos, marchés, boucheries, mec qui vend du poisson, accès direct aux fermes, chiens vivants ou écrasés, bergers avec leurs troupeaux, un feu ou deux, mobylettes, mecs qui traversent et le lot des animaux de la ferme. Dans un sens ou dans l’autre, faites vous plaisir et mixez tout ça. Ne pas oublier les stations essence et de lavage. Tout ça sous la pluie c’est encore plus passionnant. On nous regarde aussi beaucoup comme des extraterrestres. La panoplie anti pluie – mais pas anti transpiration – n’aide pas à passer inaperçu. Pourtant j’ai mis des sacs poubelles par dessus les chaussettes pour me camoufler.

Le dimanche 18 on passe la journée à rouler sous la flotte. On traverse Durrës sans quitter l’autoroute. On enchaine les kilomètres. Plus de 80 hier et aujourd’hui. On s’arrête juste pour manger nos 3 byreks payés 75 centimes pièce. On se dit qu’à se rythme on va quitter l’Albanie dans quelques jours et sans rien voir. Notre champ de vision quand il pleut se réduit à notre guidon et les chiens écrasés qu’il faut éviter. Mais comme ça aurait fait un article vraiment léger et morbide les albanais sont venus nous aider. On avait senti la gentillesse dans nos premiers échanges mais on le réalise vraiment ce dimanche soir grâce à la famille de Luan et Çimi. Ils nous interpellent au bord d’une petite route qu’on empreinte pour essayer de trouver où dormir.

DSC03150‘Where are you from ?’ nous demande Çimi. Malheureusement c’est la seule phrase qu’il connaisse en anglais. Rapidement ils vont chercher un interprète, merci Aziz, et nous installent à l’abri dans le marché familial. Uniquement entourés d’hommes, comme dans les cafés, on discute en attendant que le ciel se décharge de ses plus grosses gouttes. A l’heure du dîner, on se laisse guider vers la maison juste derrière à une cinquantaine de mètres. A peine passés le seuil de la porte, toute la famille nous accueille comme si on était attendus et membre de leur petite tribu. On est installés dans la pièce principale, la seule chauffée où les tables sont ajoutées devant les canapés au moment du repas. Ana, la femme de Luan s’occupe de tout. Elle ne partage pas le repas avec nous et s’assure que personne ne manque de rien. Elle nous cuisine même des byrek fait maison en apprenant notre dépendance. De loin les meilleurs qu’on ait goûtés en Albanie. On se régale. Grâce à Aziz on peut facilement communiquer, bien que quelques blagues de Charlotte ne soient pas vraiment comprises. Certains diront tant mieux ! On s’endort dans notre chambre. La chambre de Çimi pour être honnête, mais on ne l’apprendra que le lendemain en le voyant sur le canapé du salon.

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Le lundi 19 la pluie qui tombe encore et toujours n’efface pas notre sourire après un tel accueil. On repart non sans un dernier café dans le bar du village offert par Çimi et un de ses amis. Le soir même on traverse Fier et on découvre les ruines de la cité grecque d’Apollonia après une tentative ratée d’extorsion de fonds par deux vigils tout droit sortis d’un mauvais film italien. On peut même y passer la nuit, loin des voitures et des villes qui s’étalent le long de la route principale. A bonne distance des villages on s’endort quand même bercés par les aboiements des chiens.

Le mardi on rencontre Axel et Fabian, deux jeunes allemands chargés comme des mules et équipés de vieux vélos, qui vont de spot d’escalade en spot d’escalade dans les Balkans. Comme ils roulent également vers Vlorë puis Sarande on pédale ensemble. Le ciel est toujours aussi menaçant alors trois murs et un toit étanche dans un restaurant abandonné en bord de mer font office de cinq étoiles pour toute l’équipe. On va pouvoir se reposer à l’abri avant de grimper les mille mètres de dénivelé demain.

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Mercredi il fait toujours aussi moche mais on attaque cette journée motivés. Quelques heures plus tard, trempés, après un déjeuner debout sous un abri bus de deux mètres carrés non étanche et devant les éléments qui se déchainent, notre motivation vient de s’effondrer lamentablement. Impossible d’avancer plus. On trouve refuge dans le mini marché du village. Encore une fois la gentillesse des Albanais est exceptionnelle et on est rapidement installés au coin du feu de la maison familiale. On a beaucoup de difficulté à communiquer et à comprendre ce qu’ils veulent ou ne veulent pas, sauf avec les enfants qui jouent avec ces quatre nouveaux babysitters toute l’après midi. Le soir ils nous permettent de faire à manger dans leur cuisine. On est tout d’un coup hyper gênés quand on réalise en mangeant notre plat énorme de pâtes et de sauce que leur repas à eux se résume à du pain trempé dans du lait chaud. On s’endort songeur suite à cette soirée.

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Trêve de morale, le jeudi il faut remonter sur les vélos. Enfin du soleil ! Une descente plongeante sur la mer, un nouveau record de vitesse. Les paysages sont plus jolis par ici. La route parsemée de nombreux bunkers est agréable. On suit nos confrères allemands vers leur prochain spot. Même si la plage est paradisiaque, on trouve refuge dans un vieux monastère laissé en ruine car les prévisions météos sont toujours aussi mauvaises. Au milieu de portraits de saints tous plus flippants les uns que les autres on passe la nuit au calme, bien qu’un nouveau compagnon pointe le bout de son nez juste avant d’éteindre les lumières.

Vendredi se transforme en journée de repos car il fait vraiment trop mauvais pour pédaler. Alors, au programme c’est lecture, feu, cuisine et kniffel ® qui n’est pas un repas allemand mais l’équivalent du jeu Yam’s. Tant pis.

Le samedi 24 ça semble un peu mieux qu’hier alors c’est parti. On dit au revoir à Alex et Fabian avec qui on a passé de bons moments. Fini les routes plates d’Albanie, désormais c’est montées et descentes. C’est aussi la journée où rien ne va. La chaine de Charlotte recasse. On la change. La neuve casse cinq kilomètres plus loin. On la répare. Elle recasse. On la re-répare et on échange de vélo. Je roule en gardant la chaine dans l’axe en jonglant avec trois ou quatre vitesses seulement. Le pédalier craque énormément. Ca devient de la survie en espérant que ça tienne jusqu’à la prochaine grande ville pour essayer de trouver la cause chez un professionnel. Bien sur il pleut. On retire de l’argent. Mais le terminal reboot avec windows 98 et avale la carte. Heureusement on réussi à la récupérer car le petit magasin attenant a accès à la machine ! On trouve refuge dans une toute petite église à moitié abandonnée pour la nuit et on y allume quelques bougies. Je n’aurais jamais été aussi pratiquant que ces derniers temps.

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Aujourd’hui enfin un peu de soleil. On s’arrête dans un hôtel à cent mètres de la frontière grecque pour dépenser nos derniers lekë. Finalement on va y rester pour la nuit. On aime trop l’Albanie pour la quitter ! Plus on y reste et plus on l’apprécie. Mais c’est surtout grâce aux Albanais. Un grand merci à tous ceux qu’on a croisés sur notre route.

C’est aussi l’occasion de prendre une vraie douche. Ce n’est pas du luxe après huit jours et puis on fera moins peur à voir demain pour nos hôtes warmshower qui ne sont plus qu’à quelques dizaines de kilomètres de l’autre coté. Demain retour en Europe, retour vers le futur.

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19 Comments

  • Merci pour l’autre jour particulier… 😀
    J’ai pensé à vous, pas de regrets, tout le monde dira que vous avez eu de la chance d’être sous la pluie en Albanie quand ils se forçaient (même ça ils ont eu du mal) à manger ma tentative de gateau d’anniversaire complètement infecte! Haha

    Je suis contente de vous lire, j’avais hâte!!

    Quoi?? Louper ne serait-ce qu’une blague de Charlotte? Nooooonnnn! Haha
    Pauvre de toi Eric, elle doit redoubler d’humour en français pour compenser^^

    Faites attention à vous. Besos

  • Bonjour
    Quel périple , génial on découvre beaucoup de chose !
    Sauf la chaine de vélo de Charlotte bien sur ! La première cause peut être un mauvais alignement de la roue ou un mauvais réglage du dérailleur qui fait qu’en allant en bas ou en haut du pignon, on force !

    En Grèce les résultats des élections amènent de l’euphorie dans une bonne partie du pays , peut être la percevrez vous !

    Dans notre Est c’est la neige depuis samedi après midi et ce lundi matin c’est annoncé pour toute la journée . Merci de penser à nous et à bientôt 🙂

    • Le couple qui nous héberge est effectivement heureux de l’issue des élections.
      Je pense que nous allons être très bientôt solidaire de la météo qui s’installe chez vous maintenant que nous nous éloignons de la côte …
      Pour le vélo nous en saurons normalement plus demain après avoir vu un “professionnel” 🙂

  • Coucou les pédaleurs, pédaliers, vélocipèdistes,….
    Il n’est pas encore trop tard pour vous souhaiter tout le meilleur pour 2015 qui semble déjà réaliser un de vos rêves !
    Vos textes ressemblent à des contes. Ils nous font rêver, nous donnent envie…. pas de pédaler car nous n’avons pas votre courage, mais de voyager autrement !
    En tous cas on attend la suite de ce beau livre, impatiemment. Merci beaucoup !!!
    Bonne route les zamis :-))
    2 potes “belches” Catherine & Stéphane

    • Il n’est jamais trop tard , on accepte les voeux jusqu’en Septembre s’il le faut 😉
      Bonne année à vous aussi !!
      Avec nos vélos, nous sommes des voyageurs, pas vraiment des touristes. Nous ne visitons pas chaque musée, mais nous nous imprégnons de l’ambiance des villes, nous profitons de chaque route de campagne …
      Des bichous pour les Belches !

  • c’est toujours avec impatience qu’on attend vos récits, cette fois-ci nous commençons à prendre conscience que vous vous éloignez vraiment, mais toujours de belles rencontres !! et encore une belle leçon de partage venant de ces familles albanaises ça fait chaud au cœur !!. Cette bougie allumée a fait grand plaisir à ta grand mère :). non non Charlotte, tu as un fan ici de tes blagues ne change rien en plus elles nous manquent beaucoup bisous à vous deux ; faites attention et Viva la Grèce !! Fabienne et Dédé

    • On commence aussi à réaliser tout doucement !! On est en Grèce !! On avance doucement mais sûrement …
      Même loin on pense fort à vous !

      Ps : Merci pour votre soutient , je me relance donc dans l’humour international avec l’accent français, mais je garderai les meilleures blagues pour Septembre 🙂

  • Extraordinaire!! ce que vous vivez et partagez avec ces familles .
    Nous sommes toujours impatients de vous lire.
    A vous la Grèce maintenant
    Soyez prudents
    Gros bisous
    Marie Jeanne et Patrick

  • Hi guys! We are still following you 😉 It is a bit difficult to read in french language but we can understand. The description of Shkoder -the city where I worked for ore year – and the one about the “autorute” are so accurate and evocative… I think you are really great to describe the feeling of the countries that you are crossing. Also the photos are so perfect, I can recognize places and let say the “faces” of albanian people. Thanks for make us travel with you for a while! Giulia and Andrea.

  • Je ne vais pas être très originale, comme pour chacun de vos amis:
    Vous lire est un vrai régal, vous m’ embarquez complètement avec vous et je suis avec bonheur chacun de vos coups de pédale!
    Et bien sûr, moi aussi, à chaque fois j’attend la suite avec une certaine impatience et je me demande parfois où vous êtes!
    Quant à la gentillesse des gens que vous croisez et à leur sens de l’ hospitalité, elle m’émerveille et fait “chaud au coeur”!
    Je vous souhaite un peu plus de soleil pour les jours à venir et aussi de faire attention à vous.
    Grosses bises et au plaisir de vous relire très vite.
    Très bonne route
    Françoise

    • Chaque commentaire nous réchauffe le coeur et nous motive à pédaler chaque jour un peu plus loin. Quoique… Maintenant que nous sommes arrêtés quelques jours c’est plus difficile de repartir ! Mais nous sommes en même temps curieux et impatients de découvrir ce que la route nous réserve. Un mois en Grèce et nous serons bientôt en Turquie le temps passe si vite ! Pas le temps de dire OUF et il y aura déjà un nouvel article 🙂
      à très bientôt !

  • Hello,

    “Manifester son bonheur est un devoir; être ouvertement heureux donne
    aux autres la preuve que le bonheur est possible.” (Albert Jacquard)
    Voilà trois mois que vous nous faites partager ces moments qui resteront
    inoubliables. Bonne continuation et à très bientôt.
    Je vous embrasse
    Jacquou-net

  • Même un peu en retard je suis de près vos news! Et quelle aventure!
    On a parfois l’impression d’y être avec vous. Quel pays! Quel accueil!
    En tout cas, votre article m’a aidé à déculpabiliser!! Si!si! Tout à l’heure je n’étais pas sûre d’avoir mis un emballage dans la bonne poubelle ( verte, jaune et ménagère).
    Un decalllage? Lequel? 😉
    Plein de pensées positives pour la suite!
    Grosses bises.

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